Lettre à moi-même.

« Peut-être y avait-il trop peu de choses en commun entre elle et moi,
dorénavant. Peut-être que nous avions pris des chemins si différents, que
nous rassembler ne rimait plus à rien. Nous avions toujours ces sourires entre
nous, mais ils ne signifiaient plus rien à mes yeux. Nous nous cotoyions, mais
nous n'étions plus que des connaissances. Elle ne savait plus rien de moi, et
même si je semblais encore me confier à elle, elle ne savait plus que les détails
superficiels. Elle ne connaissait plus que le fantôme d'une ancienne amitié,
c'était le cas de le dire. Et je ne voulais plus rien savoir d'elle. Mon coeur avait
cicatrisé, et il me semblait que le sien aussi. Nous nous étions habituées à ce
vide que l'une laissait dans l'âme de l'autre. Je n'avais plus cette tristesse du
début, et peu à peu je m'éloignais davantage. Des années lumières nous sépa-
raient, mais cela ne me faisait plus rien. Je m'étais faite à cette idée, qui parais-
sait même par moment me satisfaire. Elle n'était plus celle que j'avais connu,
celle que j'avais aimé, celle que j'avais idoltâtré. Elle était devenue plus banale,
ce n'était plus la meilleure amie que j'avais toujours connue. Et cette étrangère
n'avait plus l'estime que je lui accordais auparavant. Elle n'était plus moi, et je
n'étais plus elle. Idée qui m'aurait déchirée dans le passé, mais aujourd'hui elle
me semblait douce et familière. Elle n'était plus moi, et je n'étais plus elle. Grand
renouveau de mon âme, nouvelle bouffée d'air pur. Elle n'était plus moi, et je
n'étais plus elle. Maintenant que j'étais morte, plus rien ne m'affectait comme avant. »