Différence

Les yeux fermés sur le monde, la vie en arrière, comme abandonné, je regardais le ciel, le ciel. Ma nue, mon auberge d’étoile, m’appelle encore et encore, elle m’invite au creux de ses bras grands ouverts, pour m’offrir l’uniformité. Un dernier regard vers la terre, une dernière vision et une ultime chute.

Vous connaissez la différence ? Vous autres, êtres aussi semblables que similaires, vous connaissez cette sensation ? Cette sensation de haine, de mépris qui vous traverse lorsque votre regard se pose sur moi ? Quel regard, vous dites-vous ? Vous savez ce regard rempli de dégoût, celui qui vous fait peur, celui que vous ne voulez pas voir posé sur vous ? J’espère que vous lirez cette lettre, vous tous, vous le monde !! Vous voulez connaitre mon histoire ? Voir comme vous pouvez être méchant et cruel derrière votre compassion à deux balles ? Oh, oui vous voulez savoir, vous voulez apprendre, alors laissez moi vous conter ma vie, cette misérable chose que vous avez écrasée comme un vulgaire cafard.

J’étais une personne gentille, agréable même si dotée d’un caractère parfois exécrable, mais comment l’auriez vous su, mon apparence vous rebutait. J’étais différent. Je n’étais pas contagieux, je n’étais pas dangereux, j’étais juste différent. Vous savez ma vie a été un enfer, 17 ans en enfer, c’est long, très long, et mes Lucifer c‘est, vous tous, vous êtes mes diables, Belzébuth, Satan ou autres nom qu’on pourrait vous donner.


Je ne suis qu’une marionnette entre les doigt de Gepetto. Trop vieux pour me modeler à son image, il m’a raté, une simple erreur de fabrication et je ne pourrais jamais être Pinocchio. Je coupe les fils, on ne dirigera plus ma vie.

Alors, vous avez honte maintenant, vous voulez vous terrez au fond d’un trous. Pas besoin de vous demandez pourquoi vous êtes des monstres, je vous explique. Ma première expérience avec ma différence eu lieu alors que je n’étais âge que d’une année, j’étais un enfant, jeune et insouciant. Pourtant, votre cruauté malsaine a commencé à me détruire à la crèche. J’étais seul, terriblement seul, aucun n’enfant ne voulait m’approcher, terrorisé par mon apparence monstrueuse. Je déclenchais les cris, les pleurs, une peur incontrôlée qui me pénétrait et me labourait de l’intérieur. Je n’étais qu’un bébé.
Puis ce fut l’école primaire. Ah, l’école primaire, ces bousculade violentes, les coups qui partaient et parsemaient mon corps de petits bleus, aussi innocents que ceux provoqués par une chute. Mais non, c’étais vos marmot, vos sales petits moutards qui me frappaient, des accidents selon eux. Et vous, ridicules comme vous étiez vous les croyiez. Après tout c’était moi le monstre, cet être à l’apparence difforme, je ne pouvais que mentir. Je me souviens des larmes amers qui roulaient sur mon visage, elle traçait une marque profonde sur mes joues, comme un acide qui vous ronge.
Vous connaissez la suite, non ? Collège, lycée, le tout s’est aggravé, les insultes, les moqueries, la haine, les coups. Tout cela faisaient parti de mon maigre quotidien. On ne s’y habitue jamais. On souffre toujours, et puis on meurt, on laisse faner les ramures discrètes de notre pitoyable volonté, on meurt de l’intérieur. Une coquille je ne suis plus qu’une coquille vide.

Je saute, le vent s’engouffre sous mes doigts, sous ma peau. Je vibre avec l’air. Heureux, libre, je rejoins Gepetto, transforme moi, encore, je suis comme vous tous maintenant, je deviens ce que vous serez tous.

Voilà mon histoire et maintenant, en lisant cette lettre, une lettre d’adieux, vous pleurez. Vous pleurez parce que le temps vous apprends enfin que ce qui est différent, ce qui vous fait peur, celui que vous haïssez, n’est rien d’autre qu’un homme terrassée par le mépris.

La chute s’achève, le temps s’en va, mes os ne sont plus que bris de verre. Je meurt. Je suis enfin comme vous, un être enfermé dans une boite.